Smart city et ville du quart d’heure : Paris veut se transformer

Fer de lance de son programme pour la nouvelle mandature, la « ville du quart d’heure » souhaitée par Anne Hidalgo doit se conjuguer avec le besoin de rendre la ville plus intelligente. Les habitants sont en quête de reconquête urbaine et cela passe par la gestion optimisée de secteurs divers comme la circulation et l’éclairage public.

Le concept de « la ville du quart d’heure » a le vent en poupe. Théorisé par le scientifique franco-colombien Carlos Moreno, professeur associé à l’IAE de Paris, il inspire la politique d’un nombre croissant de villes dans le monde, dont la capitale française, en particulier depuis la crise du Covid-19. Selon son concepteur et promoteur, il s’agit de rendre accessibles en un quart d’heure, à pied ou en vélo, six grandes fonctions sociales : se loger, travailler, accéder aux soins, s’approvisionner, apprendre et s’épanouir grâce à la culture, au sport et aux loisirs.

Cette approche beaucoup plus décentralisée de la ville est destinée à la rendre plus résiliente, plus polyvalente, et à offrir à ses habitants « un rythme de vie apaisé » en leur restituant ce qui leur manque le plus : du temps. Un concept qui fait résolument le pari de la proximité et implique d’en finir avec une organisation de ville « fragmentée », où de nombreuses activités dépendent des déplacements en voiture ou en transports en commun.

En imposant à chacun un confinement et une circulation restreinte autour de son domicile, la crise du Covid-19 a montré que ce modèle est possible et même souhaitable afin que la ville continue à fonctionner même dans ce type de situation critique. Cette nouvelle organisation permet également de réduire l’impact environnemental et climatique des villes, sachant que les grandes métropoles seraient responsables de 70 % des émissions de CO2 à l’échelle mondiale selon National Geographic. « La ville du quart d’heure est une réponse à l’urgence climatique et sanitaire », résume ainsi Carlos Moreno.

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Une priorité d’Anne Hidalgo

L’idée de la « ville du quart d’heure » a inspiré la Ville de Paris pour la nouvelle mandature d’Anne Hidalgo. La réalisation concrète de cette idée nécessitera, sur le long terme, une intervention sur l’ensemble du territoire parisien pour que les habitants aient tous accès à un « socle commun ». Selon la mairie, l’idée n’est pas de construire systématiquement de nouveaux équipements dans chaque quartier, mais plutôt de transformer des lieux existants afin qu’ils permettent d’y exercer plusieurs activités. Une mutation des espaces qui pourrait s’articuler autour de trois grands thèmes : l’école, la culture et la démocratie participative.

Cet objectif exige de repenser l’utilisation d’un certain nombre d’équipements existants, comme les cours d’école, et d’en imaginer de nouveaux comme des « kiosques citoyens » ou des « sport social clubs ». L’école est ainsi appelée à devenir la « capitale » du quartier. Rénovées et végétalisées, les cours d’école seront ainsi ouvertes en dehors des horaires scolaires afin d’accueillir les habitants qui pourront y trouver des activités ludiques, sportives, culturelles. Il est également prévu de développer des « plateaux artistiques » de proximité pour rapprocher la culture des habitants. Paris souhaite également déployer des « kiosques citoyens », nouveaux espaces de proximité où les citoyens pourront se rencontrer, s’entraider, demander des conseils, avoir accès à des agents de la ville ou à des associations.

Cette idée de lieux polyvalents, dédiés à des multiples activités, concerne aussi d’autres fonctions sociales, comme le sport. Parfois, les parents voudraient se consacrer à une activité sportive mais rencontrent des problèmes de garde des enfants. D’où l’idée de créer des « sport social clubs », où parents et enfants pourront pratiquer gratuitement près de chez eux une activité sportive et bénéficier également d’une garde d’enfants ou d’une aide aux devoirs. La ville du quart d’heure passe aussi par une adaptation des commerces. Il s’agira de renforcer le maillage des commerces et des services de proximité mais aussi de favoriser la production locale et les circuits courts (commerces alimentaires, culturels, recycleries, artisanat, conciergerie, espaces de fabrication ou encore de logistique urbaine). Autant d’adaptations mises en œuvre en concertation avec les habitants des quartiers et les mairies d’arrondissement.

« La ville du quart d’heure n’est pas une baguette magique, il faut l’adapter aux conditions locales de chaque villeexplique Carlos MorenoParis est à la fois une ville monde et une ville déséquilibrée entre l’est et l’ouest, entre le nord et le sud. Il y a des rééquilibrages, notamment économiques, d’habitat et de travail à opérer ».

Un concept universel

Paris n’est pas la seule ville du monde à suivre cette voie. Plusieurs métropoles de différents continents planchent également sur cette nouvelle forme d’urbanité, afin de limiter les déplacements polluants et d’améliorer le cadre de vie. Les « 20-minute neighbourhoods », initiés à Portland (Etats-Unis) à la fin des années 2000 ont ainsi déjà inspiré plusieurs métropoles françaises comme Rennes ou Bordeaux. Melbourne (Australie) développe également « les voisinages à 20 minutes » et Ottawa (Canada) « les voisinages à 15 minutes ». En Europe du nord, des villes comme Copenhague (Danemark) ou Utrecht (Pays-Bas) ont déjà fait du vélo un mode de transport essentiel. De grandes villes comme Milan (Italie), Montréal (Canada), Bogotá (Colombie) ou Buenos Aires (Argentine) avancent également dans cette voie. « Paris les inspire aussi car on a produit un modèle de fonction urbaine très précis », souligne Carlos Moreno.

Copenhague, qui ambitionne de devenir la première ville du monde neutre en carbone d’ici à 2025, a misé sur le vélo, mais aussi sur un plan ambitieux de modernisation de l’éclairage public qui a permis d’importantes économies d’énergie. En trois ans, la capitale danoise a rénové en LED la moitié du parc d’éclairage de la ville et mis en place une plateforme de télégestion de l’éclairage permettant d’ajuster en temps réel l’intensité lumineuse des différents quartiers de la ville en fonction des besoins, du trafic ou du mode de vie des habitants. Avec, à la clé, une forte réduction de la consommation, une diminution significative des émissions de CO2, mais aussi une modulation de l’intensité de l’éclairage selon les usages et les usagers, en particulier les piétons et les cyclistes, plus visibles lors de leur passage.

Copenhague a également fait le choix d’installer une plateforme de télégestion et de maintenance informatisée des points lumineux. Une solution qui permettra aussi à la ville d’intégrer tous les services connectés d’une « smart city », qui peuvent se greffer sur le réseau d’éclairage public. Figurent parmi ces avancées, les nouveaux services facilitant la mobilité (bornes de recharge de véhicules électriques, systèmes de stationnement intelligent), la sécurité (signalisation lumineuse tricolore, radars de feux et de vitesse, caméras de vidéoprotection) ou le bien-être des citoyens (bornes wifi, panneaux d’information, capteurs de bruit ou de pollution).

Vers une ville plus intelligente

Car si la technologie ne peut pas résoudre tous les problèmes et n’est pas une fin en soi, elle peut contribuer à concrétiser le concept d’une ville apaisée et au service des citoyens. Ces solutions intelligentes permettent en effet à la fois de réduire la consommation énergétique, d’optimiser la mobilité, de renforcer la sécurité et d’améliorer la qualité de vie des habitants. Des solutions d’information géographique, des plateformes d’open data et des systèmes d’« hypervision urbaine » permettent aux smart cities de superviser l’espace urbain en temps réel, d’assurer le pilotage de la ville et de gérer ses grandes fonctions : circulation, éclairage, sécurité, énergie… C’est le choix qu’a fait par exemple la métropole de Dijon. Véritable tour de contrôle de la ville intelligente, ce poste de supervision pilote l’ensemble des équipements de la ville et assure la coordination entre les services. Il permet par exemple d’accéder aux caméras de surveillance sur site, d’agir sur les feux de circulation des carrefours ou de dégager une voie de circulation pour les services d’urgence. Un outil majeur de la résilience urbaine qui continue à faire ses preuves en ces temps de crise Covid-19 et de confinement. 

Ainsi à Dijon, l’unique poste de commande centralisé réunit la gestion de l’éclairage public, de la signalisation lumineuse tricolore, du suivi des services de voirie et de la vidéosurveillance. Les gestionnaires des transports en commun, par exemple, connaîtront les travaux en cours ou à venir sur la voirie. Les lampadaires de la Métropole seront bientôt tous munis de LED , des capteurs de pollution sont en train d’être installés, et les véhicules d’intervention sont désormais géolocalisés. Les nouveaux services connectés concernent aussi les habitants qui auront accès aux informations sur leur ville en temps réel et pourront donc suivre via leur smartphone la vie de leur ville. Chacun pourra ainsi connaître la qualité de l’air ou l’état du trafic.

Pour réduire leur empreinte carbone, les villes intelligentes font largement appel au numérique. Grâce à l’internet des objets, la smart city remonte un grand nombre de données, provenant des infrastructures connectées (mobilier urbain, éclairage public, déchets, bâtiments, etc.), des régies de transports ou des distributeurs de réseaux (eau, électricité, gaz, télécoms). Et l’analyse de ces données permet de gérer plus efficacement les ressources énergétiques et les différentes fonctions de la ville.

Après le Covid-19, la ville intelligente pourrait également se tourner vers la santé. Le poste de pilotage créé pour la Métropole de Dijon s’est ainsi révélé très utile dans la gestion de l’épidémie. « Cet endroit est devenu une vraie salle de crise : nous avons ouvert une ligne téléphonique de soutien à la population, géré l’ouverture du cimetière, de la déchetterie et la saturation du CHU, tout en recueillant des données sur les déplacements et les consommations d’énergie du territoire », explique Denis Hameau, conseiller municipal délégué à la qualité du service public et à la relation aux usagers. En plus des autres fonctions sociales, la santé est donc également intégrée aux priorités de la ville intelligente.

Auteur de l’article : Camille

Grande voyageuse et très sensible à tout ce qui touche à l’environnement, je tire la sonnette d'alarme à travers ce site afin de sensibiliser les plus sceptiques !