Vélo, route, train : la course à la mobilité durable est-elle bien lancée

Le monde politique, le secteur industriel ainsi que la société civile sont tous d’accord sur un point : la mobilité du quotidien se doit d’être la plus vertueuse et durable possible. Tous les modes de transports sont donc concernés. Cependant, force est de constater qu’ils ne sont pas tous traités sur un pied d’égalité par l’État. Voici quelques explications et pistes de réflexion.

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Vélo électrique et trottinette : des alternatives de plus en plus adoptées

Les Parisiens (et les citadins en général) voient fleurir chaque semaine, toutes sortes de promotions visant à encourager l’achat de vélos électriques. C’est également le cas pour les trottinettes. La crise sanitaire et la désaffection pour les transports en commun n’y ont évidemment pas été étrangers. Logiquement, l’État accompagne le mouvement avec des bonus à l’achat de vélos à assistance électrique, surtout en faveur des foyers les plus modestes.

Côté trottinettes, l’État n’a pas mis la main à la poche, mais le boom du marché aiguise les appétits. On estime d’ailleurs à deux millions, le nombre d’utilisateurs de trottinettes en France. Ce marché a aussi connu une hausse de 34 % en 2020. « Malgré l’absence d’aides par l’État, on a observé la consolidation d’un phénomène, souligne Jean Ambert, fondateur de Smart Mobility Lab. C’est un mode de transport qui s’est démocratisé et qui permet de continuer à se déplacer en respectant les gestes barrière. » Ces « phénomènes » sont dans l’air du temps et ils sont sans nul doute prometteurs.

Mais voilà, le vélo et les trottinettes ne représentent qu’une infime partie des modes de transports utilisés chaque jour par les Français.

Modes de transports : panorama des habitudes des Français

Il existe de nombreuses études concernant les habitudes des Français en termes de mobilité et toutes s’accordent sur un point : les Français bougent, et ils bougent beaucoup. Dans leur quotidien à cause des déplacements entre le domicile et le travail, et dans leurs loisirs pour leurs vacances. Selon l’enquête nationale portant sur la mobilité et les modes de vie de 2020,  « la voiture domine largement les pratiques de déplacement pour les trajets domicile-travail. Dans une perspective de transition, il est surtout intéressant de constater que parmi les personnes travaillant à moins de 9 kilomètres de chez eux, 36 % réalisent ces trajets uniquement en voiture ». L’étude détaille de multiples données chiffrées.

Par exemple, les Français se déplaceraient en moyenne dix heures par semaine, ce qui représente « environ 400 kilomètres, soit l’équivalent d’un Paris-Nantes effectué chaque semaine. Une distance infranchissable sans voiture, train ou avion ». Bien entendu, les activités professionnelles représentent le motif nº1 pour ces déplacements du quotidien : « Plus d1 Français en emploi sur 5 (21 %) utilise exclusivement sa voiture pour aller sur son lieu de travail, bien que son trajet soit inférieur à 9 kilomètres, soit l’équivalent de 30 minutes à vélo.  […] 40% des Français en emploi sont mobiles dans le cadre de leur travail, qu’il s’agisse de travailleurs mobiles (chauffeurs de bus, livreurs, etc.) ou de personnes ayant des déplacements professionnels à réaliser quotidiennement ou presque (dépanneurs, aides à domicile, commerciaux, etc.). Ces Français sont trop souvent oubliés par les politiques de décarbonation des déplacements des Français alors qu’ils parcourent pourtant jusqu’à 100 kilomètres en moyenne chaque jour pour leur travail ! »

Voilà pour les grandes lignes : hors vie purement citadine où les métros et bus sont incontournables, la route arrive en première place des modes de transports. Une impression bel et bien confirmée par les Données et études statistiques pour le changement climatique, l’énergie, l’environnement, le logement, et les transports, publiées par le ministère de la Transition écologique de Barbara Pompili. « Les Français réalisent environ trois déplacements par jour, du lundi au vendredi, remarque l’étude qui compare l’évolution des habitudes françaises entre 2008 et 2019. Cela représente près de 181 millions de déplacements quotidiens. En moyenne, ils passent 1 h 02 à se déplacer en une journée, soit presque 6 minutes de plus qu’en 2008. Cette hausse s’explique par des déplacements un peu plus longs et par une légère modification des choix des modes de transport utilisés. »

Ces dix dernières années donc, le classement des modes de transports n’a pas changé : la voiture arrive très nettement en première position avec 114 millions de déplacements (62,8 %), la marche arrive à une étonnante deuxième place (23,7 % des déplacements) loin devant les transports en commun (9,1 %) et le vélo, très loin derrière (2,7 %). Etre à la mode ne veut donc pas dire tout emporter sur son passage : certes, les grandes villes font la part belle aux pistes cyclables, mais l’ensemble du pays reste attaché aux voitures particulières. Il n’y a pas fondamentalement de raison pour que cela change dans les décennies à venir. Il revient alors à l’État de s’adapter à la situation.

Politique des transports : Que fait l’État ?

Comme nous l’avons vu plus haut, l’État a choisi d’orienter ses dépenses vers le vélo, mais surtout vers le train. C’est ce qui ressort clairement de la répartition des enveloppes allouées aux transports en septembre 2020 dans le plan de relance de 100 milliards annoncé par le gouvernement Castex et destiné à « préparer la France à l’horizon 2030 ». Dans le détail, le secteur des transports a été mis à l’honneur, avec un budget global de 11,5 milliards d’euros. C’est le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, qui a annoncé les différents postes de dépenses :

  • 4,7 milliards pour soutenir le secteur ferroviaire,
  • 2 milliards pour le développement de l’hydrogène vert,
  • 1,9 milliards pour les aides à l’achat de véhicules propres,
  • 1,2 milliards aux transports en commun et à l’usage du vélo,
  • 100 millions pour le déploiement de bornes de recharge électrique…

Dans sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC), l’État a donc principalement fait le choix du train, à travers la rénovation du réseau national, le développement du fret et des trains de nuit, sans oublier la recapitalisation de la SNCF pour combler le déficit de l’entreprise publique à hauteur de 1,8 milliard d’euros. L’État garde la main sur les travaux des lignes à grande vitesse et laisse les investissements d’infrastructures moindres aux collectivités locales et aux opérateurs privés, comme c’est le cas dans la région PACA et la région Grand-Est. Elles ont fait le choix d’ouvrir à la concurrence, l’exploitation des petites lignes, seul moyen de les sauver tant elles sont essentielles au désenclavement des territoires. Avec seulement deux milliards, la route semble bel et bien reléguée au second plan.

De toute évidence, les professionnels du secteur routier n’ont pas vu d’un bon œil le plan gouvernemental. « La route est pourtant au cœur de toutes les mobilités et ne pas l’entretenir ni l’adapter aux nouveaux usages et aux nouvelles technologies liées au déploiement des véhicules électriques ou à la future conduite autonome fait prendre du retard à la France dans la compétition internationale. C’est ce qu’estime le syndicat Routes de France. Sans infrastructures de transport, il n’y a pas de mobilité possible : quel que soit le territoire, elles répondent à d’innombrables besoins essentiels pour les citoyens, sous réserve d’une vision collective responsable. » De son côté, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) demande à ce que de nouveaux budgets soient alloués à des investissements sonnants et trébuchants. Elle espère que les annonces soient « traduites en actes ». Pas sûr que cela soit le cas pour les infrastructures routières, alors qu’il y a tant à faire.

Mobilité électrique : l’État pourrait faire mieux


Parmi les annonces, figure l’octroi de 100 millions d’euros au déploiement de bornes de recharge électrique. Un mois après la conférence de presse présentant le Plan de relance, Jean-Baptiste Djebbari et Barbara Pompili ont signé conjointement la charte intitulée Objectif 100.000 bornes. Dans les cartons des deux ministères, la volonté commune de mettre un coup d’accélérateur sur le déploiement des fameuses bornes de recharges, pierres angulaires de la politique d’accompagnement du secteur automobile qui est lui-même en pleine mutation vers le tout-électrique. Objectif donc : atteindre les 100000 bornes de recharge sur l’ensemble du territoire français d’ici la fin de l’année. Elles étaient seulement 33363 au 1er mai dernier, selon les chiffres de l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique Avere.

Là aussi, les ambitions semblent réalistes, car le temps presse. « Selon toute vraisemblance, l’objectif des 100.000 bornes de recharge déployées sur le territoire à la fin de l’année 2021 est illusoire, regrette Pierre-Olivier Marie dans le magazine Caradisiac. Les pouvoirs publics doivent augmenter la cadence, alors même que le nombre de voitures électriques est appelé à augmenter très rapidement dans les années qui viennent. “Pour atteindre l’objectif de 100.000 bornes fixé par le président de la République il y a un an, il faudrait déployer plus de 63000 points de recharge d’ici à fin décembre. Cela équivaut à une progression moyenne de 12 % par mois ou 40 % sur un trimestre qu’il faut comparer aux 8 % de hausse enregistrés au cours du premier trimestre 2021”, cingle l’Union Française de l’Electricité (UFE). » Selon les projections de l’Avere, il serait plus crédible de tabler sur 40.000 bornes d’ici la fin de l’année. L’association n’est pas tendre avec le discours officiel du gouvernement, même si l’État compte sur les investissements des sociétés concessionnaires d’autoroutes pour mettre le paquet cette année sur les installations sur le réseau concédé

Si l’État français veut combler rapidement son retard et faire correspondre l’offre de bornes électriques au boom de la demande. le marché de la voiture électrique fait des bonds mois après mois. Le gouvernement devra donc forcément revoir son logiciel en faveur de la décarbonation de la route. En mettant la main à la poche lui-même ou en laissant le champ libre aux opérateurs privés, tant sur le réseau concédé que non-concédé. Le compteur tourne, et il n’y a plus de temps à perdre.

Auteur de l’article : Camille

Grande voyageuse et très sensible à tout ce qui touche à l’environnement, je tire la sonnette d'alarme à travers ce site afin de sensibiliser les plus sceptiques !